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Message : Re: [typo] Chinoiserie

(Jean-François Roberts) - Samedi 17 Juillet 2004
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Subject:    Re: [typo] Chinoiserie
Date:    Sat, 17 Jul 2004 00:36:32 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>


> De : Patrick Andries <hapax@xxxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Date : Fri, 16 Jul 2004 09:23:35 -0700
> À : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
> Objet : Re: [typo] Chinoiserie
> 
> fidelite@xxxxxxxxxxx a écrit :
> 
>> 
>> Ceci tendrait-il à prouver à Patrick que même le seul s pourrait rendre la
>> chuintante en français ? ;-)
>> 
>> 
> Comme dans « pigshead » en anglais ?
> 
> Pour ne pas parler de l'allemand (ou de l'arabe) ou un « s » peut être
> suivi  d'une aspiration distincte de la chuintante ? « sh » est
> ambigu...en plus de faire double emploi, en français, avec le ch
> français (pour le son khi grec, il suffit d'écrire kh en
> translittération française du grec, de l'arabe ou du russe, etc.).
> 

Soyons clairs : dans toute langue, il peut y avoir de telles ambiguïtés de
lecture - y compris en allemand ou en italien, langues pourtant réputées
d'orthographe phonétique.

Maintenant, si pour éviter l'ambiguïté du "ch" en français, vous proposez
d'écrire "orkhestre", ou "khaos', voire "skhisme", "skhiste" et "skhéma"
(si, si, vérifiez... mais peut-être préférez-vous alors "chisme", "chiste"
et "chéma" ?), alors bon courage... Mais n'imaginez pas que personne vous
suivra !

Et puis, si vous pensez qu'il y a une quelconque ambiguïté dans "short" ou
dans "cash-flow"... Mais vous allez proposer "chorte" et "cache-flôt".
Enfin...

Outre le "ch" et le "sh", le français connaît encore le "sch" (on vient de
le voir !), comme dans "schlitte" ou "schnorkel", le "sci", comme dans
"fascisme", voire "sz" dans certains vocables d'origine polonaise, par
exemple.


> De toute façon, d'une part, les translittérations vraiment savantes
> évitent l'écueil en choisissant un signe par son (s caron(*) pour l'ISO
> 233 ou le long s ("ech") similaire à l'intégrale en API) [et n'écrivent
> donc certainement pas « sh » à l'anglaise] et, d'autre part, les vrais
> spécialistes ont de moins en moins recours, avec l'omniprésence
> d'Unicode,  aux translittérations, ils écrivent le mot en arabe, en
> grec, en cyrillique, etc. Bref aucune utilité aux constructions
> pseudo-scientifiques prétendument « internationales » formées de "sh"
> pour noter le chuintante, ni dans les notations savantes
> (translittérations latines ou citation dans l'écriture d'origine), ni
> dans les notations "vulgaires" intégrées à la graphie du français.
> 

De toute façon, les translittérations scientifiques *ne servent pas à ça* !
J'ose espérer que vous le savez, et que c'est de la simple provocation/
mauvaise foi.

Il y a beaucoup de raisons pour ces translittérations : et d'abord, pour
écrire à l'intention de gens de niveau culturel et de compétences
linguistiques *générales* suffisants, mais qui n'ont pas forcément appris
les systèmes d'écriture en question : cyrillique, arabe, hébreu, devanagari,
ou autre. Dans ces conditions, leur écrire ça "dans le texte" ne sert
rigoureusement à rien. En revanche, rendre sensible les rapports entre deux
vocables dans la langue étrangère en question, est souvent essentiel - et
permet d'éviter certaines incompréhensions.

Ensuite, si vous croyez que sous prétexte d'Unicode (décidément, vous voyez
tout par le petit bout de votre lorgnette, très précise, dans son champ de
vision restreint) tout le monde va s'amuser à changer de code clavier au
milieu d'un texte... sans compter les problèmes de lecture/décodage à
l'arrivée ! (Amusant : l'Unicode Mac n'est pas compatible avec l'Unicode
Windows - fallait le faire, non ?)

Enfin, et surtout, vous méconnaissez totalement les complexités des systèmes
de translittération. Ne sont pas seuls "scientifiques" ceux qui font
correspondre un seul glyphe dans l'alphabet d'arrivée (latin, en général) à
une lettre ou syllabe (dans le cas des syllabaires) du système d'écriture de
départ ! De fait, ça pose en général tant de problèmes qu'on préfère éviter.
(J'use à dessein d'une terminologie asymétrique : ceci, pour éviter les
problèmes des ligatures, caractères composés et autres "formes de
présentation", qui embarrassent tant Unicode !)

Vous croyez que le système de l'_Encyclopédie de l'Islam_ n'est donc pas
"scientifique" ? Grand bien vous fasse... Et vous pensez que, du fait de
l'avènement d'Unicode (et autres standards ISO), les conventions de
translittération qui sont celles des arabisants, par exemple, vont s'aligner
sur celles des slavisants - qui répondent à des contraintes
(sociolinguistiques non moins qu'alphabétiques) radicalement disjointes ?
Libre à vous de rêver.

Au reste, le système dont vous rêvez existe : vous l'avez nommé (à l'envers,
bien sûr !) : c'est l'IPA (International Phonetic Alphabet), totalement
intégré à Unicode d'ailleurs - et dont *personne* ne se sert, sauf pour
indiquer la prononciation d'un mot, chose distincte (conceptuellement non
moins que pratiquement) de l'orthographe du mot (ainsi, en russe, le "g" se
prononce fréquemment /v/, voire /h/). Mais vous avez perdu de vue
(tatalement) cette petite distinction, hélas fondamentale.

Bref : "utile" ou pas - selon vos critères - la graphie "sh" existe pour la
chuintante "sourde", et en français usuel, et en système scientifique
international de translittération. Et ce constat demeure, ne vous en
déplaise.


> P. .A.
> 
> (*) Personne à l'ISO ou au consortium Unicode ne semble savoir d'où
> vient le mot « caron », enfin personne ne semble convaincu par les
> nombreuses étymologies poppulaires proposées.
> 
> 
>