Archive Liste Typographie
Message : Re: Anglicisme (etait : Et al. ?)

(Olivier RANDIER) - Lundi 15 Mai 2000
Navigation par date [ Précédent    Index    Suivant ]
Navigation par sujet [ Précédent    Index    Suivant ]

Subject:    Re: Anglicisme (etait : Et al. ?)
Date:    Tue, 16 May 2000 00:12:52 +0200
From:    Olivier RANDIER <orandier@xxxxxxxxxxx>

> Le 14/05/00, à 11:35 +0200, nous recevions de Patrick Cazaux :
>
>>le 13/05/00 18:20, Jacques Melot a écrit :
>>
>> > « et al. » est un anglicisme
>>
>>Un anglicisme latin ?
>
>    Bien entendu. Un anglicisme n'est pas l'emprunt d'un mot anglais
>non traduit : c'est l'emprunt de la parcelle de culture sous-jacente.
>On peut dire beaucoup de choses sur le fait que, comme vous le
>rappelez ci-dessous, les Anglo-Saxons, plus généralement le monde
>germanique ou réformé, sont nettement enclins à conserver aux mots
>qu'ils empruntent leur forme originale, dans la mesure du possible et
>au moins dans certaines circonstances. Cela reflète une mentalité,
>une culture, une vision du monde...
>    Les anglicismes qui ne consistent pas purement et simplement en
>l'emprunt d'un mot anglais, non traduit et immédiatement
>reconnaissable comme tel, sont à redouter car, ayant l'aspect de mots
>français, ils ne sont le plus souvent pas perçus comme le signe d'une
>ingérence étrangère dans la pensée (cf. « portable », ci-dessous,
>mais aussi « développement », « générer », « moniteur », etc.).

Même si je suis d'accord, il me semble qu'il ne faut pas jeter le bébé avec
l'eau du bain. Nous utilisons des emprunts étrangers souvent pour exprimer
des concepts qui n'ont pas d'équivalent en français, ou nous détournons le
sens de mots possibles français pour la même raison. Développement est
peut-être un anglicisme, mais le mot est français, après tout. Générer a, à
mon avis, un sens différent d'engendrer. Moniteur devient une variante
informatique de l'écran.
Le point crucial est de savoir si l'emprunt enrichit ou appauvrit la
langue. Moniteur n'a pas tué écran, il lui a apporté une nuance, la
majorité des gens continuent de dire écran. On génère des calculs, mais on
continue à engendrer des enfants.

>    Exemple d'anglicisme : traduire « portable » par le français
>« portable » (qui entraîne la quasi aliénation de « portatif », qui
>aurait dû être employé à la place).

Là, effectivement, on peut estimer qu'il y a appauvrissement, encore que
l'emprunt apporte aussi une nuance : il désigne l'objet et non sa propriété.
C'est d'ailleurs en cela qu'il est idiot, parce qu'on désigne un objet avec
une propriété qu'il peut partager avec beaucoup d'autres. Il n'y a pas très
longtemps, un portable, c'était un micro-ordinateur portatif, et la
confusion est encore possible. Ce n'est pas l'anglicisme qui est idiot,
c'est le raccourci « marketing ». Et de toute façon, ce sont des mots à
durée de vie très limitée, qu'il est sans intérêt de combattre, je pense,
parce qu'ils disparaîtront d'eux-mêmes. Dans dix ans, on ne parlera plus de
portable, mais simplement de téléphone, de même qu'« e-mail » ne sera plus
un courrier électronique, mais juste un courrier.
Je suis convaincu que ce qu'il faut combattre, ce n'est pas les emprunts,
qui ont toujours fait partie de notre langue, mais plutôt la langue du
commerce, qui se gargarise de mots creux et de formules toutes faites, pour
masquer « une inculture et une pauvreté d'esprit qu'on ne rencontre plus
guère que chez les animateurs de radios libres ». Ce qu'il faut, c'est
combattre la propension des imbéciles à parler par abréviations, parce que
notre langue, par nature analytique, à ce compte-là, n'est pas de taille à
combattre l'anglais synthétique. Il faut (re)donner aux gens le goût du mot
précis, de la formule exacte, qui font la force du français. Battons-nous
sur notre terrain, au lieu de nous épuiser sur le terrain adverse.

>    Autre exemple : l'emploi, en français, du mot anglais « stress ».
>Ici le mot anglais inchangé est utilisé.

Pour moi, stress est typiquement l'exemple de l'emprunt raisonnable,
justement. Il désigne aujourd'hui un état physiologique bien plus large que
celui du surmenage. J'utilise souvent ce terme pour la plongée, où la
notion de travail, donc de surmenage, est totalement hors de propos. Et on
en arrive à parler de « stress dû au surmenage » ; il y a donc bien une
nuance d'importance.

Plus me gène, par exemple, les dernières pubs pour Noos, où l'on prononce
clairement le nom du produit « Nousse », comme si c'était de l'anglais,
alors que c'est du grec et qu'en français, cette diphtongue se prononce
« No-osse ». Là, il y a effectivement forfaiture et acculturation
insidieuse. Cette récupération commerciale de l'esprit de nos ancêtres
devrait nous faire réagir. Ce n'est pas parce que les amerloques n'ont pas
d'histoire que ça les autorise à piller nos tombes ! :-(((

Olivier RANDIER -- Experluette		mailto:orandier@xxxxxxxxxxx
	http://technopole.le-village.com/Experluette/index.html
Experluette : typographie et technologie de composition. L'Hypercasse
(projet de base de données typographique), l'Outil (ouvroir de typographie
illustrative).