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Message : Re: [typo] Des points à la place des balles ?

(Jean-François Roberts) - Samedi 07 Juin 2003
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Subject:    Re: [typo] Des points à la place des balles ?
Date:    Sat, 07 Jun 2003 16:58:15 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Entièrement d'accord avec cette analyse (bien sûr). Mon "incompréhension" -
pour autant que ç'en soit bien une - porte exclusivement sur le fait que
cette résistance (en soi légitime et de bon aloi) risque de "faire perdre le
bébé avec l'eau du bain" (pour traduire paresseusement un expression
anglaise, dont je ne vois pas d'équivalent autochtone...). Que penser, quand
on en vient à récuser "trivial" (au sens que ce terme porte dans le discours
mathématique), du simple fait qu'il serait suspect d'être conforme à un
usage anglo-américain ?

Le jargon et l'affectation ont toujours été une plaie. Du temps de Molière,
c'était le latin de cuisine : on sait comment ce dernier a su tourner en
dérision ces médecins patascolastiques. De nos jour, c'est le franglais
informatico-marquétique : soit. Ça ne doit pas npus interdire d'adopter, à
bon escient, un néologisme ou un "archaïsme", voire d'importer un terme
étranger (fût-il anglais !), s'il fait l'affaire, là ou aucun terme français
ne semble convenir. Ce qui n'interdit pas de chercher des équivalents
français, évidemment. Mais l'acharnement thérapeutique est assez futile. On
sait le succès de "baladeur", "informatique" (d'ailleurs adopté à son tour
par les Anglo-Saxons), "ordinateur", "oléoduc" et quelques autres. En
revanche, "bouteur" est resté une curiosité portant à sourire - un "flop",
disons-le carrément. Faut-il s'interdire de parler d'un "bus de données" ?

Quant à la langue courante (hors jargon technico-commercial), elle a
toujours pris son bien où elle le trouve : tout ça fait d'excellents
Français. Nos amis Canadiens font-ils autre chose ? La crispation n'a jamais
fait avancer quoi que ce soit. Au contraire, on risque de verser
insidieusement dans le "purisme" (au pire sens du terme), et à son tour dans
un certain mépris (de ceux qui seraient "contaminés" par des sous-produits
de sous-langues...). Quant à la qualification de "barbares" adressée par
certains aux États-Uniens (les "Yanquis", pour le dire à la Étiemble), ça me
laisse rêveur. (Faudrait savoir de qui et quoi on parle, dans chaque pays,
je crois.) Et pour ce qui est de la "vieille Europe" : sauf erreur, la
Grande-Bretagne en fait (peu ou prou) partie ?

Encore une fois, la vitalité d'une langue tient à sa capacité de
s'approprier les productions d'autrui : ainsi des termes français (ou
latins) passés dans le fonds commun de l'anglais ; ainsi encore de la
floraison du français à la Renaissance, mais aussi aux XIXe et XXe siècles.
Le français d'aujourd'hui n'échappe pas à ce critère : le protectionnisme
linguistique ne saurait être une réponse valide à la globalisation ; et
cultiver le ressentiment ne mène qu'à l'impasse. C'est tout ce que je veux
dire. 



> De : Fabrice Bacchella <fabrice.bacchella@xxxxxxxxxx>
> Répondre à : typographie@xxxxxxxx
> Date : Sat, 07 Jun 2003 13:31:58 +0200
> À : typographie@xxxxxxxx
> Objet : Re: [typo] Des points X la place des balles ?
> 
> Jean-François Roberts wrote:
>> Encore cette notion de "contamination"...
> 
> Je crois que vous ne comprenez pas bien la cause de la gêne que ressente
> certain ici. Il ne s'agit pas d'obtenir une langue pure ce qui ne serait
> qu'un phantasme & malsain qui plus est.
> 
> Il s'agit de s'opposer à deux formes de mépris.
> 
> Le premier se porte sur la langue en générale. Beaucoup de mélanges
> modernes sont réalisés par des gens qui ne veulent connaître ni le
> français ni l'anglais. Les ingénieurs en sont un exemple flagrant. Et je
> parle de l'intérieur, je suis ingénieur informaticien. Dans les
> télécoms, il est couramment notion de « data » opposé à la voix.
> Pourquoi ce mot, là où « données » est totalement dépourvue d'ambiguïté
> et attesté en Français depuis quelques temps il me semble. Et j'entends
> régulièrement des gens me demander de « checker les data ». On est là
> très loin du néologisme « quanta », quel que soit ça langue d'emprunt,
> pour désigner un concept totalement nouveau. Ce sont les mêmes qui en
> tant qu'ingénieur commercial rédige des propositions commerciales
> rédigées dans une langue qui n'est ni le Français ni l'Anglais, aussi
> bien par le vocabulaire que la grammaire. Clôturer un problème ne leur
> pose aucun problème, là ou il s'agit de le clore. Cela me gène autant
> que les data.
> 
> L'autre aspect du mépris porte sur le supposé retard de l'Europe, la «
> vieille Europe » comme disait quelqu'un il n'y a pas si longtemps. La
> modernité est aujourd'hui supposée venir exclusivement des USA. Lisez
> les dépliants publicitaires, les affiches. Combien de fois quelque chose
> de totalement français se voit affubler d'un terme anglais parce que ça
> fait plus moderne. La société dans lequel je travail utilise son nom de
> domaine en .com et jamais en .fr.  Ils sont pourtant très loin de
> travailler à l'international. Ont-ils honte d'être français ?
> Pourquoi la pub de C & A actuellement : C & A by ... En tant que
> français, je me semble agressé dans ma langue, qui est ici méprisée. Un
> « par » n'aurait pas été plus long, plus maladroit. Mais les messieurs
> du marketing ont du penser que le passage par l'Anglais était nécessaire
> pour rajeunir l'image de marque de C & A. Quand je vois ce genre de
> chose, j'ai tendance à penser que la loi Toubon sur l'affichage est trop
> tolérante.
> 
> 
> Fabrice Bacchella
>