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Message : Re: [typo] contribution et codage

(Jean-François Roberts) - Vendredi 14 Mai 2004
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Subject:    Re: [typo] contribution et codage
Date:    Fri, 14 May 2004 06:30:17 +0200
From:    Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx>

Title: Re: [typo] contribution et codage
Merci de cet excellent travail.

Quelques remarques, toutefois : seule la première illustration se rapporte à Wang Zhen. La deux suivantes nous disent expressément qu'il s'agit de typographie "à l'imprimerie impériale de la cour des Chhing, vers 1731" (pinyin : Qing, EFEO : Ts'ing - dynastie au pouvoir de 1644 à 1911 ; Wang Zhen était actif sous les Yuan...) et... au Japon !

Il ne s'ensuit pas que les tables tournantes de Wang Zhen n'auraient jamais existé. Nous en avons le témoignage de Wang Zhen lui-même, généralement admis comme véridique par l'ensemble des historiens de la question. Que des illustrations tardives aient traduit son propos avec plus ou moins de bonheur ne change rien à l'existence de ses tables...

On crédite Bi Sheng d'avoir inventé la typographie à caractères mobiles, et Wang Zhen d'avoir apporté des perfectionnements majeurs à la typographie - art resté balbutiant jusqu'au XVe siècle, où la typographie à caractères métalliques prit son essor (les premiers essais datent du XIIIe siècle), en Corée initialement (mais sans vraiment stabiliser les types dans la forme, comme sut le faire Gutenberg peu après). Mais personne n'a prétendu ou supposé que les solutions de Wang Zhen avaient fait école. Sa casse tournante est toujours citée comme un repère historique sans lendemain, même si on l'admire. L'illustration de 1733 montre en effet la version classique de la casse chinoise (murale).

Il est sûr, en tout cas, que l'illustration de 1955 est encore moins correcte (même si elle est claire quant au principe d'organisation de la casse) que l'illustration en ligne - pour ce qui est des dimensions, en tout cas (on est vraiment *très* loin des "sept pieds de diamètre" !). Il n'est pas certain non plus que la jolie organisation radiale des casseaux soit correcte (ou possible !).

Pour ce qui est de la xylographie, on sait en effet qu'elle a perduré. Mais ce qui est montré dans la photo de la p. 324 est un moine (du XIXe siècle ? possible) tenant pieusement une partie des blocs ayant servi à imprimer un classique coréen... au XIIIe siècle - blocs conservés depuis lors (il y en a 80 000, en arrière-plan !). (Or, on sait que la typographie a pris son essor définitif en Corée, avant de revenir en Chine.) Quant à l'illustration japonaise, la légende parle de "woodblocks", ce qui est trompeur. On voit en effet un atelier du XIXe siècle où coexistent typographes et graveurs sur bois. Mais "woodblock", dans ce contexte, ne désigne sûrement pas une planche de xylographie, mais bien le bloc de bois servant à graver les illustrations (pratique courante au XIXe siècle, en Europe également, en presse tout particulièrement, mais pour le livre également). Le bloc est alors inséré et positionné dans la forme, au milieu de la composition au plomb, tout comme le serait un cliché. Un tel bloc pouvait être prêt en moins d'une heure... pour une excellente qualité de rendu.

Pour l'évolution du livre en Chine, tous les ouvrages traitant de ces questions (histoire du livre et de l'imprimerie en Chine et en Extrême-Orient) abordent la question. On peut consulter l'étude (un peu rapide) de Jean-Pierre Drège ("Les transformations du livre chinois [VIIIe-XIIe siècle]") dans _Les Trois Révolutions du livre_.

Et, encore une fois, merci :)


De : "Pierre Schweitzer" <pierre.schweitzer@xxxxxxxxxxx>
Répondre à : typographie@xxxxxxxxxxxxxxx
Date : Fri, 14 May 2004 01:15:26 +0200
À : <typographie@xxxxxxxxxxxxxxx>
Objet : Re: [typo] contribution et codage



Bonjour ou bonsoir,

J'ai réussi à faire évaporer quelques illustrations d'un exemplaire emprunté de Tsien Tsuen-Hsuin, Science and civilisation in China, volume 5, part I : Paper and printing, sous la dir. de Joseph Needham, éd. Cambridge university press.

D'abord un détail mieux résolu des tables tournantes supposées de Wang Zhen (attention, l'illustration date de 1955) :
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1142_p_207.jpg <http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1142_p_207.jpg>

Ensuite, deux illustrations qui relativisent un peu, datant du début du XVIIIème et de la fin du XIXème, où l'on voit que les tables ou les tambours de Wang Zhen ont apparemment disparu (ont-ils jamais existé ?), laissant la place à un classement statique plus traditionnel, assez volumineux :
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1143_p_210.jpg
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1220_p_344.jpg

La difficulté d'accès aux types préfabriqués, étant donné leur très grand nombre, semble avoir perpétué, longtemps encore, les techniques traditionnelles de la xylographie et des livres blocs, jusqu'à la fin du XIXème visiblement (?) :
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1220_p_344.jpg
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1136_p_199.jpg
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1207_p_324.jpg

Pour le plaisir enfin, deux images pour évoquer ce qui reste encore pour moi un grand mystère : le rôle qu'aurait pu jouer l'Orient dans le passage (ou la transformation) du rouleau au (en) codex...
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1156_p_228.jpg
http://atfolio.u-strasbg.fr/images/Fig_1157_p_229.jpg

Si quelqu'un ici a déjà croisé de bonnes références sur le sujet, je suis preneur ;-)

Pierre Schweitzer