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Message : Re: [typo] Capitale universitaire.. (Jean-François Roberts) - Samedi 11 Octobre 2003 |
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Subject: | Re: [typo] Capitale universitaire.. |
Date: | Sat, 11 Oct 2003 07:39:43 +0200 |
From: | Jean-François Roberts <jean-francois.roberts@xxxxxxxxxx> |
Pas un lapsus... sourire. Bonne référence en tout cas, qui mérite qu'on s'y arrête un peu. On va voir que ce texte fait moins "autorité" qu'il n'y paraît. Et que ses arguments ne tiennent malheureusement pas, en dépit de l'estampille prestigieuse. (Encore une fois, ceci n'a *rien à voir* avec la question soulevée par moi, à savoir la non-accentuation des sigles : sur ce point, l'Académie ne s'écarte pas, que je sache, de l'usage général français.) Petite remarque préliminaire, qui devrait mettre la puce à l'oreille : ce n'est pas un oukase ("On doit accentuer les majuscules : ainsi le veut, le commande et le décrète l'Académie.") - mais bien un plaidoyer, qui tente d'argumenter (de façon peu convaincante, il faut bien le dire, ainsi qu'on va le voir). Au reste, l'Académie elle-même (les "Immortels") ne prétend à aucune juridiction typographique : voir les statuts, cités ici in fine. Avant de vous précipiter, relisez-moi, et relisez l'Académie (ou ses services techniques, plutôt). Je parle bien de l'accentuation *des majuscules* (dans un texte b.d.c.). L'Académie en fait autant... mais certes pas à la première page de son site : http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#accentuation On voit qu'il s'agit de la section "Langue française", sous-section "Quelle langue pour demain ?", rubrique "Questions courantes". Et ce n'est pas la première "recommandation", mais bien la troisième (après "À : la voiture de Julie ou la voiture à Julie ?" et "À : à, en ou dans devant les noms géographiques"). Encore convient-il de lire attentivement le préambule de la rubrique : "Devant les demandes de plus en plus nombreuses de nos internautes sur des questions courantes de français, nous avons répertorié les plus fréquentes, dont vous trouverez la liste ci-dessous, ainsi que la réponse du service du Dictionnaire de l¹Académie française." On remarquera qu'il s'agit donc de l'explicitation de la *marche* du _Dictionnaire_ de l'Académie française, et des partis qui y ont présidé. Il n'est expressément pas dit (et pour cause) qu'il s'agit de règles devant s'imposer - mais bien de règles que le _Dictionnaire_ se fixe, et recommande en général. Mais les services techniques du _Dictionnaire_ ne prétendent pas faire autorité (et pour cause !). Je me permets de citer ce texte in extenso, car certains détails risquent d'échapper à la vigilance : "Accentuation des majuscules "Quant à l¹utilisation des accents sur les majuscules, il est malheureusement manifeste que l¹usage est flottant. On observe dans les textes manuscrits une tendance certaine à l¹omission des accents. Il en va de même dans les textes dactylographiés, en raison notamment des possibilités limitées qu¹offrent les machines traditionnelles. En typographie, enfin, certains suppriment tous les accents sur les capitales sous prétexte de modernisme, en fait pour réduire les frais de composition. Il convient cependant d¹observer qu¹en français, l¹accent a pleine valeur orthographique. Son absence ralentit la lecture, fait hésiter sur la prononciation, et peut même induire en erreur. On veille donc, en bonne typographie, à utiliser systématiquement les capitales accentuées, y compris la préposition À, comme le font bien sûr tous les dictionnaires, à commencer par le Dictionnaire de l¹Académie française, ou les grammaires, comme le Bon usage de Grevisse, mais aussi l¹Imprimerie nationale, la Bibliothèque de la Pléiade, etc. Quant aux textes manuscrits ou dactylographiés, il est évident que leurs auteurs, dans un souci de clarté et de correction, auraient tout intérêt à suivre également cette règle, en tirant éventuellement parti des ressources nouvelles que peuvent offrir les traitements de texte modernes. Il en va de même pour le tréma et la cédille." * La dernière phrase est en soi assez stupéfiante : le tréma et la cédille étant assimilés, sans autre forme de procès, aux accents - comme si deux millénaires de théories grammaticales ne permettaient pas de distinguer accents et... diacritiques autres qu'accents (et en omettant, qui plus est, l'apostrophe, pourtant bien plus proche des accents stricto sensu). Le raisonnement semble sans appel. Mais on s'aperçoit qu'il se réduit à une affirmation, étayée par une "observation", qui se veut empirique, mais ne l'est pas (bien entendu) - j'y reviens plus loin. En définitive, on accumule les "autorités" : "tous les dictionnaires", la Pléiade (qu'importe si ses ouvrages sont truffés de coquilles...), le Grevisse, et l'Imprimerie nationale. Pour ce qui est de "tous les dictionnaires" : il est clair que la vocation d'un dictionnaire est d'être hyper-explicite, pour ne laisser prise (en principe) à aucune équivoque. Il est donc légitime de s'attendre à y voir les accents partout où cela est possible. Il ne s'ensuit pas que "tout le monde" doive écrire (et imprimer) comme "tous les dictionnaires". Pour prendre une illustration résolument en dehors du domaine français, et même européen - mais qui permettra de fixer les idées : en arabe, "tous les dictionnaires" indiquent systématiquement toutes les diacritiques (vocalisation des syllabes, redoublement de consonnes, terminaisons nasalisées de pluriel, etc.). En typo (en *bonne* typo) arabe, ces diacritiques (*toutes* les diacritiques !) sont systématiquement omises (sauf pour les textes sacrés, pour des raisons proches de celles à l'¦uvre dans les dictionnaires, d'ailleurs). Le lecteur arabophone *sait* que [âm] se lit [oumm] (= mère). Seul le dictionnaire indiquera la vocalisation de l'alif en waw, et le redoublement du mîm. (Mais il va de soi qu'il ne s'agit pas de fonder ainsi le bon usage typographique *français* : juste de mettre la question des diacritiques en perspective.) Quant à la position de l'Imprimerie nationale, elle ne fait que refléter la *marche* de l'IN. Au _Journal officiel_, les diverses marches (il y a 22 séries...) n'accentuent en général pas les majuscules dans les textes b.d.c. (La question de l'accentuation en tout-cap. est distincte.) Il ne s'ensuit pas que l'usage du JO soit plus "flottant", ou moins "orthographique" que celui de l'IN. Vient ensuite (ou d'abord, plutôt) l'explication, repiquée dans on ne sait quel dictionnaire... des idées reçues, que les majuscules ne seraient pas accentuées *par les imprimeurs* "en fait pour réduire les frais de composition" (sic : ah ! les salauds...). On croit rêver. Ces gens de l'Académie n'ont manifestement jamais pénétré dans un atelier de composition. (L'imprimeur, voilà l'ennemi !) Venons-en donc au c¦ur de la question : pour les services du _Dictionnaire_ de l'Académie, il est constant que : "en français, l¹accent a pleine valeur orthographique. Son absence ralentit la lecture, fait hésiter sur la prononciation, et peut même induire en erreur." De fait, si j'écris : theiere, il est clair que la gêne est immédiate - lors même qu'il n'y a ici aucune ambiguïté. Il est clair, en effet, que le seul mot possible ici est bien : théière, et seule l'absence d'accents déconcerte. Un but pour l'Académie ? Pas si vite. En revanche, si j'écris : THEIERE, vous n'aurez *aucune difficulté* à lire le mot, et suppléer les accents. Si maintenant j'écris (comme le voudrait une lecture superficielle des recommandations de l'Académie) : THÉIÈRE, l'information reçue n'est aucunement améliorée (ça fait simplement un peu "fouillis visuel"). Mais attention : nous sommes ici en tout-cap. - il ne s'agit donc pas de majuscules dans du texte b.d.c. (mais l'hostilité envers les imprimeurs, déjà relevée, laisse présager que les auteurs confondent tout bonnement ces deux catégories). Or, sans accents, on vient de le voir ici, aucune "gêne", "hésitation sur la prononciation", ni a fortiori de risque d'"erreur". Quant aux majuscules dans du texte b.d.c., j'attends toujours de voir *un* exemple probant de mot français accentué à l'initiale, et pour lequel la non-accentuation de la majuscule (initiale, donc) prêterait à confusion *réelle*. (Ceci soit dit par simple précaution, en saluant l'ingéniosité de J.-P. Lacroux - et la pugnacité d'E. Angelini qui s'en est fait l'écho - dans son exemple facétieux, et passablement oulipien, du couple "édam" - "Edam" : on sait en général si l'on parle d'un fromage... ou d'une ville !) Explication : la "valeur orthographique" des accents ne concerne strictement que les minuscules (b.d.c.). Toute équivalence entre b.d.c. et cap. (ou entre majuscules et minuscules) est fondée sur un raisonnement fallacieux (qui part de la correspondance biunivoque qu'on peut établir *peu ou prou* entre ces deux ensembles de caractères). J'ai déjà développé cette question par ailleurs. En (bonne) typo, "plus, c'est moins", et "moins, c'est plus" : exigence "minimaliste", qui fonde la lisibilité. La hantise de ne pas "rater un accent" - fût-ce sur les majuscules, où ils sont superfétatoires - est au départ oubli de ce qu'est un texte - qui s'efface, pour certains praticiens, derrière la lettre, vainement sacralisée. * Quant à la vocation de l'Académie française, rappelons l'article 6 des statuts de 1816, derniers en date : "L¹institution de l¹Académie française ayant pour objet de travailler à épurer et à fixer la langue, à en éclaircir les difficultés et à en maintenir le caractère et les principes, elle s¹occupera dans ses séances particulières de tout ce qui peut concourir à ce but ; des discussions sur tout ce qui tient à la grammaire, à la rhétorique, à la poétique, des observations critiques sur les beautés et les défauts de nos écrivains, à l¹effet de préparer des éditions de nos auteurs classiques, et particulièrement la composition d¹un nouveau dictionnaire de la langue, seront l¹objet de ses travaux habituels. Le directeur consultera la Compagnie sur l¹ordre qu¹il conviendra d¹y mettre. Aucune proposition étrangère à ces travaux ne pourra, si elle est de quelque importance, être prise en considération que dans une assemblée qui aura été convoquée spécialement pour en délibérer. Le directeur ou celui qui le remplace est chargé de faire observer le bon ordre dans les séances et d¹y maintenir l¹exécution des règlements." (Extrait de la brochure "Statuts et règlements" de l'Académie française, disponible en format PDF : http://www.academie-francaise.fr/role/statuts.pdf ) Rien, on le voit, sur la typographie. (Mais ça, on le savait... n'est-ce pas ?) D'où la nécessité devant laquelle s'est trouvée la profession (correcteurs et typographes) de se doter d'un instrument qui supplée à la carence "principielle" de l'Académie en la matière ; ce fut chose faite en 1928, avec la première édition du _Code typographique_. (On y a adjoint quelques autres ouvrages "de base" au fil des ans, principalement le Thomas et le Jouette, avec le _Petit Larousse_ comme dictionnaire usuel.) Code typographique qui, bien entendu, accueille (comme une variante possible) la marche retenue pour le _Dictionnaire_ de l'Académie. > De : info@xxxxxxxxxxxxxxxxx > Répondre à : typographie@xxxxxxxx > Date : Sat, 11 Oct 2003 00:45:22 +0200 > À : typographie@xxxxxxxx > Objet : [typo] Re: Capitale universitaire.. > > Jean-François Roberts writes: > >> L'académie - si je ne m'abuse - a vocation (entre autres) orthographique et >> grammaticale, pas orthotypographique. C'est en ce sens qu'il n'y a pas >> contradiction entre les deux (l'accentuation ou non des majuscules n'ayant >> pas valeur orthographique). >> >> > > OOOOH! première page du site de l'Académie, première recommandation, stipule > (en italique): l'accent a pleine valeur orthographique! > > Reprise telle quelle par le lexique (marche typo soit) de l'IN. > > mea > > Ps: serait-ce un lapsus? >
- Re: [typo] Capitale universitaire.., (continued)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Jean-François Roberts (11/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Thierry Bouche (12/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Jean-François Roberts (12/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Jean-François Roberts <=
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Thierry Bouche (12/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Jean-François Roberts (12/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Michel Bovani (12/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., lldemars (12/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Jean-François Roberts (13/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., goudal (13/10/2003)
- Re: [typo] Capitale universitaire.., Thierry Bouche (13/10/2003)